L'Erreur fondamentale d'attribution
Le magasin de Moke était un petit magasin pittoresque, certains l'auraient même qualifié de mignon. Il était confortablement installé derrière un étal de légumes, lui-même derrière un magasin de gants magiques se trouvant sur une route adjacente au Chemin de Traverse. C'était décevant, mais le propriétaire n'était pas un vieil homme mystérieux et desséché, juste une jeune femme à l'air nerveux et portant des robes jaunes passées. Elle tenait pour le moment une Super Bourse en Peau de Moke QX31 dont l'avantage majeur était qu'il avait une Ouverture Élargissante ainsi qu'un Charme d'Extension Indétectable : vous pouviez y mettre de grands objets, mais le volume total était tout de même limité.
Harry avait insisté pour venir ici tout de suite, avant toute autre chose --- insisté autant que possible sans pour autant éveiller de soupçons chez McGonagall. Harry avait quelque chose qu'il devait mettre dans la bourse aussi vite que possible. Ce n'était pas le sac de Gallions que McGonagall l'avait autorisé à retirer de Gringotts. C'étaient tous les autres Gallions que Harry avec subrepticement fourrés dans sa poche après être accidentellement tombé dans un tas de pièces d'or. Cela avait été un véritable accident, mais Harry n'était pas du genre à passer outre une opportunité... même si le geste avait été grandement impulsif. Depuis lors, Harry avait malhabilement transporté le sac de Gallions autorisé contre sa poche de pantalon, afin que tout tintement semble venir de là où il devait.
Ce qui ne répondait pas à la question de savoir comment il allait pouvoir mettre les autres pièces dans la Peau sans se faire prendre. Les pièces d'or étaient peut-être siennes, mais elles étaient tout de même volées --- autovolées ?
Harry releva les yeux vers la Super Bourse en Peau de Moke QX31 posée sur le comptoir face à lui. « Puis-je l'essayer un moment ? Pour vérifier qu'elle fonctionne, euh, de façon fiable ? » Il agrandit ses yeux et arbora l'expression d'un garçonnet innocent et enjoué.
Bien sûr, après que Harry a mis le sac de Gallions dans la peau, plongé sa main, murmuré « sac d'or » et extrait le sac, le tout dix fois de suite, McGonagall s'éloigna et détourna la tête pour regarder d'autres objets du magasin, et le propriétaire commença à regarder sa montre.
Harry déposa le sac d'or dans la peau avec sa main gauche ; sa main droite sortit de sa poche, tenant fermement quelques-unes des pièces d'or ; il plongea cette même main dans la peau, y déposa les Gallions, et (en murmurant « sac d'or ») récupéra le sac original. Puis le sac vint dans sa main gauche, puis fut à nouveau déposé dans la peau, et la main droite de Harry replongea dans sa poche...
McGonagall lui jeta un coup d'œil, mais Harry parvint à ne pas broncher ni à se figer, et elle n'eut pas l'air de remarquer quoi que ce soit. Mais nous n'étiez jamais vraiment sûr, avec les adultes dotés d'un sens de l'humour. Il fallut trois itérations pour finir le travail, et Harry estima qu'il avait réussi à se voler à peu près trente Gallions.
Harry releva le bras, essuya un peu de sueur de son front, et exhala : « Je voudrais celle-ci, s'il vous plait. »
Plus léger de quinze Gallions (apparemment le double du prix d'une baguette de sorcier) et plus lourd d'une Super Bourse en Peau de Moke QX3, Harry et McGonagall se frayèrent un chemin jusqu'à la porte. La poignée de la porte se transforma en une main et les salua tandis qu'ils partaient, extrudant son bras d'une façon qui écœura légèrement Harry.
Puis, malheureusement...
« Êtes-vous vraiment Harry Potter ? » souffla le vieil homme, une larme énorme coulant le long de sa joue. « Vous ne mentiriez pas à ce sujet tout de même ? Mais j'ai entendu des rumeurs disant que vous n'aviez pas vraiment survécu au Sortilège de la Mort et que c'est pour cela que personne n'avait plus entendu parler de vous depuis. »
... il semblait que le sort de déguisement de McGonagall n'était pas parfaitement efficace contre les praticiens magiques expérimentés.
McGonagall avait posé une main sur l'épaule de Harry et l'avait tiré dans la ruelle la plus proche au moment où elle avait entendu « Harry Potter ? » Le vieil homme les avait suivi, mais au moins personne d'autre ne semblait avoir entendu.
Harry étudia la question. Était --- il vraiment Harry Potter ? « Je ne sais que ce qu'on m'en a dit », dit Harry. « Ce n'est pas comme si je me souvenais de ma naissance. » Il se passa la main sur le front. « J'ai eu cette cicatrice pour aussi longtemps que je me souvienne, et on m'a dit que mon nom était Harry Potter pour aussi longtemps que je me souvienne. Mais », dit pensivement Harry, « s'il y a déjà assez de raisons de postuler l'existence d'une conspiration, il n'y a pas de raison pour laquelle ils ne trouveraient pas un autre orphelin-sorcier et l'élèveraient en lui faisant croire qu'il était Harry Potter --- »
D'exaspération, McGonagall se masqua le visage. « Vous ressemblez exactement à votre père James dans sa première année à Poudlard, sauf que vous avez les yeux de votre mère, Lily. Et je puis démontrer en me basant uniquement sur votre personnalité que vous êtes sans aucun doute lié au Fléau de Gryffondor. »
« Elle pourrait faire partie de la conspiration », observa Harry.
« Non », chevrota le vieil homme. « Elle a raison. Vous avez les yeux de votre mère. »
« Hmmmm ». Harry fronça les sourcils. « Je suppose que vous pourriez en faire partie aussi --- »
« Assez, M. Potter. », dit McGonagall.
Le vieil homme leva une main comme s'il allait toucher Harry, mais la laissa retomber. « Je suis juste content que vous soyez en vie », murmura-t-il. « Merci, Harry Potter. Merci pour ce que vous avez fait... je vous laisse tranquille maintenant. »
Et le battement de sa cane sur les pavés s'éloigna lentement, hors de la ruelle et le long du Chemin de Traverse.
McGonagall jeta un coup d'œil autour d'elle, une expression tendue et sinistre sur le visage. Automatiquement, Harry regarda à son tour autour de lui. Mais la ruelle semblait vide de tout sauf de vieilles feuilles, et, depuis l'entrée menant au Chemin de Traverse, on ne pouvait voir que des passants à la démarche pressée.
McGonagall se détendit enfin. « Ce n'était pas bien joué », dit-elle d'une voix basse. « Je sais que vous n'avez pas l'habitude de tout ça, M. Potter, mais les gens se soucient de vous. S'il vous plait, soyez gentil avec eux. »
Harry regarda ses chaussures. « Ils ne devraient pas », dit-il avec une nuance d'amertume. « Se soucier de moi, je veux dire. »
« Vous les avez sauvés de Vous-Savez-Qui », dit McGonagall. « Comment pourraient-ils y être indifférents ? »
Harry regarda McGonagall et soupira. « J'imagine qu'il n'y a aucune chance que, si je dis Erreur fondamentale d'attribution vous ayez la moindre idée de ce dont je parle. »
McGonagall secoua la tête « Non, mais expliquez-moi, je vous en prie. »
« Eh bien... » dit Harry, essayant de trouver comment bien décrire cette section particulière de la science moldue. « Supposez que vous arriviez au travail et que vous voyez votre collègue donner des coups de pied dans son bureau. Vous vous dites "que cette personne doit être colérique !". Votre collègue pense au fait que quelqu'un l'a poussé contre un mur alors qu'il se rendait au travail, puis lui a crié dessus. Il se dit que n'importe qui serait en colère suite à ça. Lorsque nous regardons les autres, nous voyons des traits de personnalités qui expliquent leur comportement, mais, lorsque nous nous observons nous-mêmes, nous voyons des circonstances qui expliquent notre comportement. Les histoires personnelles des gens ont un sens de leur point de vue, de l'intérieur, mais nous ne voyons pas les histoires personnelles des gens flottant derrière eux dans les airs. Nous ne les voyons que dans une situation, et ne voyons pas le comportement qu'ils auraient dans une autre. L'erreur d'attribution fondamentale est donc que nous expliquons par des traits permanents et durables ce qui serait mieux expliqué par des circonstances et par un contexte. » Il y avait d'élégantes expériences qui confirmaient ce fait, mais Harry ne comptait pas en arriver là.
Les sourcils de McGonagall s'élevèrent. « Je pense que je comprends... » dit-elle lentement, « Mais qu'est-ce que ça a à voir avec vous ? »
Harry donna un coup de pied dans le mur de brique de la ruelle, suffisamment fort pour se faire mal au pied. « Les gens pensent que je les ai sauvés de Vous-Savez-Qui parce que je suis une sorte de grand guerrier de la Lumière. »
« Celui au pouvoir capable de vaincre le Seigneur des Ténèbres... » murmura McGonagall, une ironie dans la voix que Harry ne comprit alors pas.
« Oui », dit Harry, la voix divisée entre la frustration et la contrariété, « comme si j'avais détruit le seigneur des Ténèbres parce que je possède une sorte de caractéristique permanente de type destructeur-de-Seigneur-des-Ténèbres. J'avais quinze mois à l'époque ! Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais je devine que ça a quelque chose à voir avec, comme on dit, des circonstances environnementales contingentes. Et certainement rien à avoir avec ma personnalité. Les gens ne se soucient pas de moi, ils ne font même pas attention à moi, ils veulent serrer la main à une mauvaise explication. » Harry s'arrêta, et regarda McGonagall. « Savez --- vous ce qui s'est réellement passé ? »
« J'ai formé une conjecture... » dit McGonagall. « Après vous avoir rencontré. »
« Oui ? »
« Vous avez triomphé contre le Seigneur des Ténèbres en étant plus épouvantable que lui, et avez survécu au Sortilège de la Mort en étant plus horrible que la Mort. »
« Ha. Ha. Ha. » Harry donna un nouveau coup de pied dans le mur.
McGonagall gloussa. « Allons chez Madame Guipure. Je pense que vos habits moldus attirent peut-être l'attention. »
Ils rencontrèrent deux sympathisants de plus sur le chemin.
McGonagall s'arrêta devant une porte au dessus de laquelle était inscrit « Madame Guipure, prêt-à-porter pour mages et sorciers ». C'était une devanture véritablement ennuyeuse, principalement faite de briques rouges comme des briques ordinaires, et des fenêtres de verre montraient des robes noires unies. Pas de robes brillantes ou changeantes ou tournantes ou radiantes d'étranges rayons qui paraitraient traverser votre chemise et vous chatouiller. Juste des robes noires unies, ou, du moins c'était tout ce que vous pouviez voir à travers la fenêtre. La porte était grande ouverte, comme pour dire qu'il n'y avait ici aucun secret et rien à cacher.
« Je vais m'absenter quelques minutes pendant qu'on prend vos mesures pour les robes », dit McGonagall. « Cela vous convient-il ? »
Harry hocha la tête. Il détestait le shopping de vêtements avec une ardente passion et ne pouvait pas blâmer McGonagall si elle partageait son aversion.
McGonagall tapota le front de Harry avec sa baguette. « Vous devrez être clairement visible aux sens de Madame Guipure, j'enlève donc le sort d'Obfuscation. »
« Euh... » dit Harry. Cela le tracassait un peu.
« Je suis allé à Poudlard avec Madame Guipure », dit McGonagall. « Même alors, elle était l'une des personnes les plus composées que je connaisse. Elle ne hausserait pas un sourcil si Vous-Savez-Qui lui-même entrait dans son magasin. » La voix de McGonagall semblait provenir d'un souvenir, et son ton était approbateur. « Madame Guipure ne vous embêtera pas, et elle ne laissera personne d'autre vous embêter. »
« Où allez --- vous ? » s'enquit Harry. « Juste au cas où, vous savez, quelque chose se passerait. »
McGonagall donna un regard dur et sceptique à Harry. « Je vais là », dit-elle, pointant du doigt un bâtiment en face qui arborait le dessin d'un tonnelet de bois, « pour m'offrir un verre, dont j'ai désespérément besoin. Vous allez voir vos mesures prises pour les robes, rien d'autre. Je vais revenir vous surveiller bientôt et je m'attends à voir le magasin de Madame Guipure toujours debout et pas en feu de quelque façon que ce soit. »
Madame Guipure était une vielle femme animée qui ne pipa mot lorsqu'elle aperçut la cicatrice sur son front, et jeta un regard sévère à une assistante lorsque celle-ci sembla être sur le point de dire quelque chose. Madame Guipure exhiba un ensemble de pièces de tissus animées qui se contorsionnait et semblait servir de mètre ruban, et commença à travailler.
À côté de Harry, un jeune garçon pâle au visage pointu et aux cheveux blond-blanc supercools semblait être dans la phase finale d'un processus similaire. L'un des deux assistants de Guipure examinait le garçon aux cheveux blancs avec attention, ainsi que la robe aux motifs en damier qu'il portait ; à l'occasion, elle touchait un coin de la robe avec sa baguette, et la robe se relâchait ou se resserrait.
« Bonjour », dit le garçon. « Poudlard, toi aussi ? »
Harry pouvait prédire où cette conversation allait le mener, et, dans une demi-seconde de frustration, il décida que c'en était assez.
« Grands dieux », murmura Harry, « ce n'est pas possible. » Il laissa ses yeux se dilater. « Votre... nom, monsieur ? »
« Drago Malefoy », dit Drago Malefoy, l'air un peu perplexe.
« C'est vous ! Drago Malefoy. Je... Je ne pensais pas avoir l'honneur un jour, monsieur. » Harry aurait aimé pouvoir faire sortir des larmes de ses yeux. Les autres commençaient généralement à pleurer à ce moment-là de la conversation.
« Oh », dit Drago d'un ton légèrement confus. Puis ses lèvres s'étirèrent en un sourire suffisant. « Il est agréable de rencontrer quelqu'un qui connait sa place. »
L'une des assistantes, celle qui semblait avoir reconnu Harry, fit un bruit de gloussement étouffé.
Harry continua son murmure. « Je suis ravi de vous rencontrer, M. Malefoy. Juste ineffablement ravi. Et aller à Poudlard la même année que vous ! Mon cœur se pâme. »
Oups. Cette dernière partie avait peut-être été un peu étrange, comme s' il flirtait avec Drago.
« Et mon propre cœur est illuminé de constater que je puis m'attendre à être traité avec le respect dû à la famille Malefoy », renvoya Malefoy avec un sourire similaire à l'un de ceux que le plus haut des rois pourrait octroyer au plus bas de ses sujets, si ce sujet était honnête en dépit de sa pauvreté.
Eh... Mince, Harry avait du mal à inventer sa prochaine réplique. Eh bien, tout le monde voulait serrer la main de Harry Potter, alors --- « Lorsque mes vêtements seront apprêtés, monsieur, accepterez-vous de me serrer la main ? Rien d'autre ne saurait parachever ce jour, non, ce mois, et à vrai dire, ma vie entière. »
Drago le foudroya du regard. « Je pense que vous demandez de ma personne une familiarité bien déplacée ! Qu'avez-vous jamais fait pour la famille Malefoy qui vous donne droit à une pareille requête ? »
Oh, je vais tellement essayer cette routine sur la prochaine personne qui essaie de me serrer la main. Harry inclina sa tête. « Non, non, monsieur, je comprends. Je suis désolé de vous l'avoir demandé. Je devrais plutôt me sentir honoré de nettoyer vos bottes. »
« En effet », lâcha Drago. Son visage dur s'éclaira plus ou moins. « Cela étant dit, votre souhait est compréhensible. Dites-moi, dans quelle Maison pensez-vous être trié ? Je suis destiné à Serpentard bien sûr, comme mon père Lucius avant moi. Et pour vous, je devine la Maison Poufsouffle, ou peut-être la Maison Elfe. »
Harry fit un sourire penaud. « Le Professeur McGonagall dit que je suis la personne la plus Serdaigle qu'elle ait jamais vu ou dont elle ait jamais entendu parler dans des légendes, à tel point que Rowena elle-même me dirait de sortir plus, quoi que cela veuille dire, et que je finirai sans aucun doute à Serdaigle si le Choixpeau magique ne crie pas d'horreur si fort qu'aucun d'entre nous ne peut comprendre ce qu'il dit, fin de citation. »
« Wow », dit Drago, l'air légèrement impressionné. Il fit une sorte de soupir mélancolique. « Votre flatterie était excellente, ou du moins, je le pensais --- vous réussiriez à Serpentard aussi. C'est généralement devant mon père que les gens s'aplatissent. J'espère que les autres Serpentard me lècheront les bottes maintenant que je suis à Poudlard... j'imagine donc que c'est bon signe. »
Harry toussa. « À vrai dire, désolé, mais je ne sais absolument pas qui tu es. »
« Non, mais franchement ! », dit Drago, violemment déçu. « Pourquoi ferais-tu ça ? ». Les yeux de Drago s'élargirent dans un élan de suspicion soudain. « Et comment peux-tu ne pas connaitre les Malefoy ? Et quels sont ces vêtements que tu portes ? Tes parents sont-ils moldus ? »
« Deux de mes parents sont morts », dit Harry. Il éprouva un pincement au cœur. Lorsqu'il le formulait ainsi --- « Mes deux autres parents sont des Moldus, et ce sont eux qui m'ont éduqué. »
« Quoi ? » dit Drago. « Qui es --- tu ? »
« Harry Potter, ravi de te faire ta connaissance. »
« Harry Potter ? » haleta Drago. « Le Harry... » et le garçon s'arrêta brusquement.
Il y eut un bref silence.
Puis, avec un enthousiasme éclatant : « Harry Potter ? Le Harry Potter ? Mon Dieu, j'ai toujours voulu te rencontrer ! »
L'assistante qui s'occupait de Drago émit un son qui donnait l'impression qu'elle s'étranglait, mais elle continua son travail, soulevant les bras de Drago pour enlever la robe damée avec attention.
« Tais-toi », suggéra Harry.
« Pourrais-je avoir un autographe ? Non, attends, d'abord, je veux une photo avec toi ! »
« Tais --- toitais --- toitais --- toi »
« Je suis juste tellement, inexprimablement enchanté de te rencontrer ! »
« Prends feu et meurs. »
« Mais tu es Harry Potter, le glorieux sauveur du monde magique, vainqueur du Seigneur des Ténèbres ! Le héros de tous, Harry Potter ! J'ai toujours voulu devenir comme toi quand je serai plus grand pour pouvoir vaincre des Seigneur des Ténèbres moi aus... »
Drago s'interrompit au beau milieu de sa phrase. Son visage se pétrifia dans une expression d'horreur absolue.
Grand, cheveux blancs, froidement élégant dans des robes noires de la meilleure des qualités. Une main enserrant une cane à poignée d'argent qui, par la simple vertu d'être dans cette main, prenait l'apparence d'une arme mortelle. Ses yeux considérèrent la pièce avec le calme d'un exécuteur, d'un homme pour qui tuer n'était pas douloureux, ni même délicieusement interdit, mais une activité aussi routinière que respirer.
C'était l'homme qui avait, à cet instant, nonchalamment franchi le seuil de la porte ouverte.
« Drago », dit l'homme, d'une voix basse et très en colère, « qu'es-tu en train de dire ? »
En une demi-seconde de panique compatissante, Harry formula un plan de secours.
« Lucius Malefoy ! » haleta Harry Potter. « Le Lucius Malefoy ? »
L'un des assistants de Guipure dut détourner le regard et contempler le mur.
Des yeux froids et meurtriers le considéraient. « Harry Potter. »
« Je suis tellement, tellement honoré de vous rencontrer ! »
Les yeux noirs s'élargirent, et la surprise choquée remplaça la menace mortelle.
« Votre fils m'a tout dit de vous », continua Harry avec grande animation, sachant à peine ce qui sortait de sa bouche, essayant juste de parler le plus vite possible. « Mais, bien sûr, je savais tout de vous bien avant cela, tout le monde vous connait, Lucius Malefoy ! Le lauréat le plus honoré de Serpentard, j'ai moi-même pensé à aller à Serpentard juste parce que j'ai entendu que vous y étiez enfant... »
« Que dites-vous, M. Potter ? » dit un quasi-cri depuis l'extérieur du magasin, et le Professeur McGonagall déboula une seconde plus tard.
Il y avait une telle horreur sur son visage que la bouche de Harry s'ouvrit automatiquement, puis se bloqua sur rien-à-dire.
« Professeur McGonagall ! » s'écria Drago. « Est-ce vraiment vous ? Mon père m'a tellement parlé de vous quej'ai pensé à me faire trier à Gryffondor afin de... »
« Quoi ? », hurlèrent Lucius Malefoy et le Professeur McGonagall parfaitement à l'unisson, debout l'un à côté de l'autre. Leurs têtes pivotèrent symétriquement et ils se regardèrent, puis ils s'éloignèrent l'un de l'autre comme s'ils interprétaient une danse synchronisée.
Il y eut une grande agitation alors que Lucius s'emparait de Drago et le trainait hors du magasin.
Puis tout fut silencieux.
McGonagall regarda le petit verre de vin qu'elle avait en main. Il était horizontal, oublié dans sa galopade, et seules quelques gouttes d'alcool s'y accrochaient encore.
McGonagall s'avança dans le magasin jusqu'à ce qu'elle fit face à Madame Guipure.
« Madame Guipure », dit McGonagall d'une voix calme. « Que s'est-il passé ici ? »
Madame Guipure la regarda silencieusement pendant quatre secondes, puis elle craqua. Elle tomba contre le mur, riant plus qu'elle ne respirait, ce qui fit craquer ses deux assistantes, et l'une d'entre elles tomba sur ses mains et ses genoux, prise d'un fou rire hystérique.
McGonagall se retourna lentement et regarda Harry avec une expression froide. « Je vous laisse seul pendant cinq minutes. Cinq minutes, M. Potter, dixit cette horloge. »
« Je ne faisais que plaisanter », protesta Harry, alors que les rires hystériques continuaient non loin.
« Drago Malefoy a dit face à son père qu'il souhaitait être trié à Gryffondor ! Plaisanter ne suffit pas pour en arriver là ! » McGonagall pausa, respirant lourdement. « Quelle partie de "se faire prendre ses mesures" avez-vous interprété comme voulant dire S'il vous plait, lancez un sort de Confusion à l'univers entier ! »
« Il était dans un contexte situationnel où ses actions avaient un sens de son point de vue... »
« Non. N'expliquez pas. Je ne veux pas savoir ce qui s'est passé ici. Jamais. Il y a certaines choses que je ne suis pas censée savoir, et c'est une de ces choses. Quelle que soit la force de chaos démoniaque qui vous habite, elle est contagieuse, et je ne veux pas finir comme ce pauvre Drago Malefoy, cette pauvre madame Guipure, ou ses deux pauvres assistantes. »
Harry soupira. Il était clair que le Professeur McGonagall n'était pas d'humeur à prêter l'oreille à des explications raisonnables. Il regarda Madame Guipure, qui s'appuyait toujours contre le mur, et ses deux assistantes, qui étaient maintenant toutes deux à genoux, et finalement son propre corps entouré d'un mètre ruban.
« Je n'ai pas encore fini avec les mesures », dit Harry avec gentillesse. « pourquoi ne retourneriez-vous pas prendre un autre verre ? ».