Échec, partie 2
Au moment même où il leva son arme, Harry sut qu'il commettait une erreur ; son cerveau antérieur le vit, essaya d'arrêter sa main, mais l'écœurante certitude ne parvint pas à se propager assez vite pour empêcher son doigt d'appuyer sur la détente...
L'écho des tirs résonna dans le cimetière.
Une fraction de seconde avant qu'il ne presse la détente, Voldemort avait baissé sa baguette et un large mur de terre s'était levé entre eux. Il intercepta les trois balles.
Un instant plus tard, une douleur surgit dans la cicatrice de Harry, un fourmillement parcourut sa peau ; et sa bourse, ses vêtements, son pistolet, tout sauf sa baguette disparut. Il fut laissé nu, mis à part sa baguette et ses lunettes, ensorcelées pour coller à son nez. L'anneau d'acier à son petit doigt fut arraché si fort qu'il emmena de la peau, et le joyau métamorphosé partit avec.
« Voilà », dit la voix de Voldemort venue de derrière le mur de terre, « qui était parfaitement prévisible. Penses-tu vraiment que, si mon immortalité venait à faillir, j'irais le crier sur les toits ? Vraiment, stupide enfant ? Abaisse ta baguette et ne la relève sous aucun prétexte, sans quoi tu mourras dans l'instant. »
Harry déglutit et abaissa sa baguette. « Je vous aurais déçu », dit Harry d'une voix plus fluette qu'à l'accoutumée, « je veux dire, si j'avais raté une opportunité pareille. » Il n'avait pas le temps de réfléchir et sa bouche était sur pilote automatique, en mode calmer un sorcier maléfique qui abrite peut-être des instincts paternels à mon égard et que je viens juste sans succès de tenter d'assassiner.
Voldemort fit le tour du mur de terre, avec cet horrible sourire qui lui donnait l'air d'avoir trop de dents. « J'ai promis de ne lever ni ma main ni ma baguette contre toi, petit, à condition que tu ne fasses pas de même. »
« J'ai utilisé des balles », dit Harry d'une voix toujours aiguë. « Ce n'est ni un coup de poing ni un sortilège. »
« Mon enchantement voit les choses autrement. C'est la pièce du puzzle qui te manquait. Pensais-tu que je laisserais notre bonne entente au hasard ? Avant de te créer, j'ai jeté un enchantement sur moi-même et tous les Tom Jedusor qui descendraient de moi. Un enchantement qui nous empêchait tous de menacer l'immortalité des autres, tant qu'aucun autre n'attentait à la vie de l'un. À la manière typique des fiascos de ce genre, l'enchantement semble n'avoir eu d'effet que sur moi, pas sur le nourrisson à l'esprit perdu. » Un gloussement sourd, mortel. « Mais tu viens de tenter de mettre fin à ma vie, sstupide enfant. Maintenant l'enchantement est levé, et je peux te tuer quand je le souhaite. »
« Je vois », dit Harry. Il voyait bien : c'était pour ça que Voldemort lui avait parlé de son système de Horcruxes, juste pour préparer l'instant où Harry tenterait de mettre fin à son immortalité. L'esprit de Harry passait en revue ses options, mais aucune ne paraissait utile. Sa bourse, ses vêtements ; Harry les vit éclairés par la lune, en tas, près de l'autel, hors d'atteinte. « Et maintenant, vous me tuez ? » Harry avait toujours sa baguette. Le Seigneur des Ténèbres ne pouvait probablement pas les toucher de sa magie, à cause de la résonance. Lancer un sort en premier ? Non, Voldemort abaisserait simplement sa baguette pour faire un autre bouclier, et ensuite il me descendrait - qu'est-ce que je peux faire d'autre ? QUOI D'AUTRE ?
« Toujours aussi idiot. Si c'en était fini entre nous, je t'aurais déjà tué. » Le mur s'effondra d'un autre mouvement de baguette, et Voldemort revint prestement au tas d'objets tombés près de l'autel. Le Seigneur des Ténèbres tendit une main et le journal de Roger Bacon vola jusqu'à lui. « C'est véritablement un Horcruxe de la fille-enfant, ma verssion améliorée. » Dans son autre main apparut un parchemin. « Voici le rituel pour la resssussciter, au cas où. Insstructions honnêtes, pas de piège. Souviens-toi que l'essprit de fille-enfant ne ssera pas libre comme celui d'un fantôme, Pierre de Résurrection est mon Horcruxe, pas le ssien. Ne perds pas sson Horcruxe, ou son essprit pourrait y resster enfermé. » Voldemort s'abaissa et ramassa la bourse de Harry ; il y plaça le journal et le parchemin. « Ssi jamais ce que j'ai prévu tourne mal, ssouviens-toi de ça. »
« Je ne comprends pas ce qui se passe », dit Harry. Il n'y avait plus rien à faire. « Expliquez-moi, s'il vous plaît. »
Le Seigneur des Ténèbres regardait maintenant Harry avec un air sévère. « Quand fille-enfant est morte, j'étais en compagnie de la voyante de l'école et j'ai entendu une prophétie disant que tu deviendrais une immensse force desstructriçce. Tu deviendrais menaçce défiant l'imagination, pire que l'apocalypsse. C'est pour cela que j'ai fait tant d'efforts pour annuler mon meurtre de la fille-enfant et qu'elle reste en vie. »
« Est-ce que --- » quoi « est-ce que vous êtes sûr --- » quoi.
« Je n'ose pas te donner de détails. Prophétie à mon ssujet que j'ai entendue m'a pousssé à l'accomplir. N'ai pas oublié ce désasstre. » Voldemort s'éloigna un peu plus de Harry, ses yeux rouges et fendus fixés sur le Survivant, son pistolet fermement en main. « Tout ceci, tout ce que j'ai fait, c'est pour brisser ce desstin à tous les points d'intervention possibles. Ssi quelque malheur m'empêche de faire ce qui va suivre, alors, enfant imbécile, desstructeur annoncé, alors tu devras te tuer pour ssauver fille-enfant. Ssinon, tout ce à quoi tu prétends accorder valeur mourra par ta main. »
« Je », la voix de Harry grimpa d'une octave, « je », une autre octave, « je ne ferais vraiment, vraiment pas ça, sérieusement ! »
« Ssilence, idiot. Resste muet tant que je ne t'autorisse pas à parler. Garde ta baguette baisssée, ne la lève pas sans qu'on te l'ait dit. Ssinon tu mourras instantanément, et remarque bien que j'ai dit cela en Fourchelangue. » Voldemort plongea à nouveau sa main dans l'autel.
Pendant une seconde, l'esprit de Harry ne put appréhender ce qu'il voyait, puis il comprit que Voldemort tenait un bras humain, coupé près de l'épaule. Il semblait trop fin, ce bras.
Le Seigneur des Ténèbres appuya sa baguette contre la chair du coude du bras, et les doigts se tordirent, comme s'ils prenaient vie. Sous faible lueur nocturne, Harry vit une marque noire apparaître sur la chair, juste au-dessus du coude.
Quelques secondes plus tard, la première silhouette encapuchonnée apparut dans le cimetière accompagnée d'un bruit de Transplanage. Quelques instants plus tard, un autre bruit, puis encore un autre.
Les silhouettes encapuchonnées portaient des masques de crâne argentés et la lumière de la lune fuyait leurs robes.
« Maître ! » s'écria l'une des robes noires, le troisième à apparaître. Derrière le masque de crâne, la voix était d'un étrange timbre. « Maître... cela faisait si longtemps... nous avions perdu espoir... »
« Silence ! » cria la voix flûtée du Seigneur des Ténèbres. Toute trace du professeur Quirrell avait quitté la silhouette trop grande. « Orientez vos baguettes vers le Survivant, et surveillez-le ! Ne vous laissez distraire par rien ! Étourdissez-le s'il bouge ou s'il se met à parler ! »
D'autres transplanages. Entre les tombes, derrière un arbre, dans tous les recoins sombres, d'autres robes noires arrivaient, toutes encapuchonnées et masquées. Certaines poussèrent des exclamations de joies, forcées pour beaucoup ; d'autre s'avançaient, faisaient mine d'accueillir leur Maître. Voldemort leur donna à tous le même ordre, sauf à ceux qui devraient lui lancer Crucio s'il bougeait, à ceux qui devraient se jeter sur lui s'il bougeait, à ceux qui devraient lui lancer des sortilèges et malédictions diverses, et à ceux qui devraient annuler sa magie.
Harry compta trente-sept apparitions avant que les robes noires et les masques de crâne semblent cesser d'arriver.
Ils avaient tous leur baguette pointée vers Harry, alignés en demi-cercle, face à lui, de façon à ne pas se gêner.
Harry garda sa baguette baissée, puisqu'on lui avait dit qu'il mourrait en la levant. Il resta muet, puisqu'on lui avait dit qu'il mourrait en parlant. Il essaya de ne pas grelotter dans le froid de la nuit, puisqu'il était nu, et que la température baissait.
Tu sais, dit la dernière voix dans Harry, la voix de l'espoir, même moi, je commence à penser qu'on est mal barrés.